Présence de la nature, nature de la présence

Recueillir des « petits fragments de nature » d’origine animale, végétale ou minérale est une activité familière, ces petits témoignages encombrent peut-être encore nos étagères et remplissent nos boites à secrets. Cette collection de petits objets aux mille textures : coquillages, morceaux de bois, galets polis par l’océan, structures diverses, feuilles, fossiles, débris d’insectes... exprime une énergie de vie qui touche intimement notre sensibilité. Le premier regard porté sur ces objets est libre de toute approche conceptuelle, l’on perçoit directement sans le découpage méthodique de l’intellect qui évalue, compare, et classe les; il est sans références à la mémoire, au connu.

Puis l’agitation de notre activité mentale recouvre et dissimule souvent l’émotion et le « ressenti » initial pour ne laisser place qu’au seul discours, au commentaire. Le silence intérieur et l’attention portée dans la relation sujet-objet rendent perceptibles ces énergies qui semblent émaner des objets, en phase avec notre être intérieur.

Cette relation fusionnelle, intime, contemplative, sans références au passé, neuve à chaque instant, est d’une grande beauté. Les jeunes enfants et les enfants que nous sommes encore parfois vivent naturellement dans cette conscience et cette relation directe aux objets et aux autres, «d’inconscient à inconscient », merveilleux langage de perceptions éphémères et insaisissables.

De tout temps, les diverses activités artistiques semblent nous impliquer concrètement dans la recherche de cette conscience de nous-même, oubliée, sous-jacente, comme une nostalgie à soi-même.

Par les jeux de la terre, du feu, de l’eau et de l’air, je réalise des objets céramiques qui conjuguent le végétal, l’animal et le minéral. Ces formes insolites invitent l’observateur à poser un regard neuf, silencieux, non conceptuel, débarrassé du souvenir et des références au passé.
 
Le premier regard porté sur ces objets est libre de toute approche conceptuelle, l’on perçoit alors sans le découpage méthodique de l’intellect qui évalue, compare, et classe les perceptions ; cette « non-relation » est sans références à la mémoire, au connu. Nous sommes alors le témoin silencieux de cette intimité  qui s’offre à nous avec bonheur et émotion, tel un  “nous-même” retrouvé dans un instant hors du temps.
Puis notre agitation dissimule ce ressenti initial pour laisser place au discours intérieur avec parfois comme un parfum de manque et de nostalgie.
C’est cette nostalgie qui m’invite à façonner  ces objets de terres, d’eau et de feu qui conjuguent et fossilisent la magie du vivant, comme autant d’invitations pour un autre regard, pour une vision de la vie que nous partageons tous et que, souvent, nous oublions.

Dominique Legros